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16 décembre 2013

la théorie des files d’attente

Dans ce blogue sur vidéo, Dr David Stanford, de l’Université Western Ontario, explique comment la théorie des files d’attente peut influer sur les temps d’attente et comment des changements simples peuvent avoir des effets importants sur leur diminution.



L’Université Western Ontario a annoncé une nouvelle découverte mathématique conçue par une équipe de chercheurs internationaux dirigée par le Dr Stanford. Celle-ci permet au système de santé de profiter d’une approche plus équilibrée pour le choix des patients en vue d’un traitement et de contribuer ainsi à la diminution des temps d’attente.  
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28 novembre 2013

Nous devons faire quelque chose pour remonter les défis en matière de santé auxquels font face les aînés autochtones.

Dre Catherine Cook, conseillère du Conseil canadien de la santé. Le Dre Catherine Cook est médecin de famille, chercheuse et gestionnaire de soins de santé, et aussi métisse. Elle a un rôle conjoint avec l’Université du Manitoba et l’autorité de santé régionale de Winnipeg. À l’Université du Manitoba, le Dre Cook est Doyenne adjointe pour la Santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis au sein de la faculté de médecine et est également le chef de la toute nouvelle section sur la Santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans le département des sciences de la santé communautaire de la faculté de médecine.
 

Les personnes âgées des Premières Nations, inuites et métisses constituent définitivement la population la plus vulnérable au Canada. Nous savons qu’elles ne reçoivent pas le même niveau de soins de santé que les aînées non autochtones. Des entrevues avec des intervenants clés, des recherches et des consultations aux quatre coins du pays entrepris par le Conseil canadien de la santé pendant l’hiver et le printemps 2013 confirment des faits foudroyants:
•    L’accès aux soins est un problème. La plupart des aînés métis ont besoin de se déplacer vers les villes pour tout ce qui dépasse les soins de base, ce qui représente une interruption de leur quotidien.
•    Elles sont souvent victimes des caprices des politiques gouvernementales tant au palier fédéral que  provincial en ce qui concerne les frais qui sont couverts par l’un ou l’autre et qui est admissible à recevoir tel ou tel service.
•    Il y a très peu ou simplement pas de communication et de coordination entre les services des gouvernements, des autorités régionales de la santé et des communautés.
•    Plusieurs aînés autochtones n’ont pas le même niveau de soins dans leurs communautés comparativement aux Canadiens non autochtones; ainsi, leur état de santé peut devenir très critique, ce qui augmente la quantité de soins dont ils auront besoin.

Cette situation est exacerbée par l’impact de la colonisation, l’expérience des écoles résidentielles et les déterminants de la santé tels que la pauvreté, les logements médiocres, le racisme, les barrières linguistiques et les différences culturelles. L’isolement géographique peut aussi jouer un rôle : les ainés autochtones auront plus tendance que les plus jeunes générations à vivre dans des communautés rurales et éloignées dont la majorité est autochtone et où ils peuvent se sentir proches de leur culture. Cette réalité mène au fait que ces aînés ont des besoins en matière de santé plus complexes et vivent souvent dans des régions où il est plus difficile et plus coûteux de fournir des soins.

Le rapport du Conseil canadien de la santé fournit un contexte à ces défis et explique pourquoi il est important de fournir du soutien supplémentaire et des soins continus aux personnes âgées des Premières Nations, inuites et métisses. Sans ce soutien, une population déjà vulnérable représente un plus grand risque encore. Cette question nécessite une attention immédiate des Canadiens et des gouvernements. 
Notons qu’il existe des exemples prometteurs partout au Canada où les gouvernements, les régions sanitaires et les communautés autochtones ont formé des partenariats dans le but d’améliorer les soins de santé prodigués aux aînés autochtones. Je vous invite à lire des exemples de ces pratiques au www.healthcouncilcanada.ca/innovation

Formation en ligne sur les soins aux aînés à l’intention des prestataires de soins communautaires

Marney Vermette, agent de liaison pour l’engagement communautaire, Programme des  Premières Nations Sainte-Elizabeth, Métis et Inuits.

Dans le cadre du poste d’infirmière superviseure d’un programme de soins à domicile et de soins communautaires pour les Premières Nations que j’occupais auparavant, j’avais pu constater qu’il y avait de grands défis à relever en matière de formation pour les prestataires de soins; cette formation devait être à la fois abordable, accessible et adaptée sur le plan culturel, répondre aux besoins et correspondre aux réalités des peuples autochtones. Obtenir une formation au sein même de la communauté était souvent impossible pour les prestataires de soins. Quitter leur communauté pour être formé ailleurs aurait plusieurs effets négatifs sur les prestataires et sur la communauté – la continuité des soins à leurs clients en souffrirait et cela accroîtrait le fardeau pour les familles et la collectivité en plus d’être un véritable gouffre financier pour le budget de la communauté, déjà en situation précaire. Ces problèmes étaient particulièrement répandus dans les communautés éloignées. 
Obtenir un certificat de préposé aux services de soutien à la personne prendrait des années au personnel des soins à domicile de la communauté. Ces personnes devraient quitter leurs familles, leur communauté et leur emploi plusieurs semaines à la fois. Si une crise ou un décès survenaient dans la communauté et qu’ils devaient revenir à la maison, ils perdraient des journées de formation et retarderaient leur éducation. De plus, il arrive très souvent que du personnel infirmier se présente dans la communauté sans comprendre l’importance de la culture et du protocole et sans savoir créer des relations au sein de la communauté.  
Le cours de soins aux aînés autochtones de Sainte-Élisabeth est l’un des nombreux programmes de formation professionnelle offert sans frais aux prestataires de soins du secteur communautaire de tout le Canada. Ce cours offre une formation fondée sur des faits probants et adaptée culturellement, qui traite de l’histoire et de la culture des Premières Nations et livre de l’information clinique sur des questions de santé liées aux soins des aînés, avec des thèmes tels que les chutes, les médicaments, l’alimentation, la dépression, la maladie d’Alzheimer, la violence et la maltraitance, et l’importance de prendre soin de vous en tant que prestataire de soins. 
Nous avons pris soin de ne pas faire appel à une approche universelle pour tous les Autochtones. Un message clé revient tout au long du cours sur la nécessité de comprendre que chaque communauté est unique. Les prestataires de soins doivent tisser des relations avec les communautés afin d’en apprendre davantage sur les pratiques et les protocoles propres à chacune. Ils auront besoin d’un représentant de la communauté pour en savoir plus sur la culture, les traditions et les pratiques qui y prévalent.  
Notre programme a recours à un modèle unique, dont la conception et la révision ont mis à contribution des prestataires de soins des Premières Nations, des aînés et des spécialistes des phases d’élaboration et de révision de nos cours. Notre objectif était de disposer d’une information complète afin de répondre aux besoins des communautés et de bâtir des relations fondées sur le respect et la confiance mutuels.
Le cours a été lancé en janvier 2013 et a reçu un accueil enthousiaste. Les représentants de la communauté sont heureux que le cours offre à leur personnel les éléments et les connaissances nécessaires pour assurer un environnement sécuritaire et le respect nécessaire, tout en observant le protocole relatif aux soins aux aînés. L’objectif de plusieurs communautés est de garder les aînés chez eux aussi longtemps que possible au lieu de les transférer dans des établissements de soins de longue durée.
La formation en ligne fait en sorte que les prestataires de soins n’ont pas à quitter leur communauté pour acquérir les connaissances et les compétences dont ils ont besoin pour les soins aux aînés. Ceux-ci sont parfois intimidés par la formation en ligne, mais la plupart d’entre eux savent comment utiliser Facebook et une fois qu’ils réalisent à quel point c’est facile, ils se montrent très enthousiastes. 

Les auxiliaires en santé communautaire aident à faire face à la pénurie de personnel infirmier et à la sécurité culturelle

Tina Buckle, coordonnatrice des soins infirmiers en santé communautaire, ministère de la Santé et du Développement social du Nunatsiavut.

Au Nunatsiavut, nous faisons appel à des auxiliaires en santé communautaire pour aider le personnel infirmier dans les communautés éloignées. Recruter et garder le personnel infirmier représente un défi pour nous, et le poste d’auxiliaire nous permet d’y arriver avec moins de personnel infirmier.  Il s’agit là d’un modèle  inspiré du Labrador, où il avait cours dans le passé, et d’Alaska, où il est utilisé à l’heure actuelle et où des auxiliaires en santé communautaire, qui sont des gens de la communauté, assurent les soins primaires dans les collectivités éloignées.
Au Nunatsiavut, l’auxiliaire en santé communautaire a un rôle tant en santé publique qu’en soins à domicile ou en soins communautaires.
Dans le cadre du programme des soins à domicile et communautaires, les auxiliaires en santé communautaire deviennent en quelque sorte les « bras droits » du personnel infirmier. Ils assurent la gestion des travailleurs en soutien à domicile, effectuent les visites à domicile avec le personnel infirmier au besoin, commandent les équipements et les fournitures, organisent les rendez-vous, stérilisent l’équipement, préparent les rapports mensuels et accomplissent toutes les tâches pour lesquelles du personnel infirmier n’est pas nécessaire. L’infirmière – ou l’infirmier – est ainsi mieux en mesure de se concentrer sur les soins à offrir. Les auxiliaires effectuent aussi des visites à domicile de manière autonome afin de soutenir le programme, qu’il y ait ou non une infirmière dans la ville. 
De plus, et c’est tout aussi important, les auxiliaires sont les conseillers culturels du personnel infirmier. Ils ont la confiance de la communauté, à un point tel où une infirmière est immédiatement acceptée dans une communauté si elle est accompagnée d’un auxiliaire.
En matière de soins des aînés, les auxiliaires peuvent passer plus de temps avec les aînés que les infirmières; ils possèdent aussi des liens plus intimes avec ces personnes et parlent leur langue. Nous avons également fait visiter le centre régional de santé et le centre de soins de longue durée de Happy Valley-Goose Bay aux auxiliaires en santé communautaire, afin qu’ils puissent en faire la description aux aînés et à leurs familles et les aider à bien faire la transition.   
Il est difficile de quantifier ou même de mettre des mots sur tout ce que nous apportent les auxiliaires – en fait, nous ne pourrions offrir des soins sans ces personnes et les clients ne seraient pas aussi enclins à recevoir des soins s’ils n’étaient pas là. 
Il est difficile de comprendre pourquoi ce modèle n’est pas utilisé dans d’autres régions du pays, surtout qu’il est déjà bien connu en Alaska. Je crois qu’il s’agit d’une peur inexplicable qu’en permettant ce type de pratique, nous encourageons les gens à devenir auxiliaires en santé communautaire au lieu de se diriger vers des professions de la santé, mais ce n’est pas du tout de cela dont qu’il est question. Ces personnes jouent un rôle d’une valeur inestimable dans les communautés et personne d’autre ne peut s’en charger.

Un seul programme de soins à domicile pour tous : Bella Coola, Colombie-Britannique

Glenda Phillips, Directrice, Soutien à domicile et communautaire, Hôpital général  de Bella Coola
 

Dans ma communauté, Bella Coola, nous avons un programme  pleinement intégré de soins  communautaires et de soins à domicile situé dans le nouveau centre de santé de la réserve. Ce programme est utilisé par tous dans la communauté, qu’ils appartiennent ou non aux Premières Nations. Mais cela n’a pas toujours été le cas.
Bella Coola est une communauté éloignée qui dispose de ressources limitées. J’y ai travaillé comme infirmière pour le gouvernement fédéral pendant des années, jusqu’à mon retour aux études. Lorsque j’y suis retournée, j’ai été embauchée par le gouvernement provincial pour mettre sur pied des soins à domicile dans la région.
J’ai constaté que les gens vivant sur les réserves n’obtenaient pas de services. Il n’existait aucun programme structuré de soins communautaires et de soins à domicile, ni aucun modèle intégré de prestation de services permettant de faire le lien entre les services offerts sur la réserve et ceux offerts à l’échelle de la province. Nous disposions de cinq lits de soins de longue durée dans un petit hôpital communautaire, et nous n’avions aucune forme d’aide à la vie autonome à offrir.  
Pour compliquer les choses, ajoutons à cela des facteurs tels que les compressions budgétaires, la pénurie de personnel infirmier et un manque de clarté dans les rôles et les responsabilités du personnel.
Nous voulions donner à tous un accès égal aux soins et de leur offrir le choix de demeurer chez eux aussi longtemps que possible – non seulement dans la communauté, mais aussi dans leur maison. Il nous fallait un programme de soins intégré pour appuyer cela et nous voulions nous donner les moyens d’offrir des soins adaptés sur le plan culturel.   
Nous avons amorcé la planification en rencontrant le chef et le conseil de la nation Nuxalk, à qui nous avons demandé : « Pourquoi ne travaillons-nous pas ensemble à la mise sur pied d’un programme pour tous? » Nous nous sommes ensuite rendus dans la communauté et avons procédé à une évaluation des besoins. Nous avons rencontré de nombreux organismes et représentants du gouvernement qui avaient besoin d’être consultés.  
À la fin, nous avons mis sur pied un seul programme de soins à domicile là où il y en avait deux auparavant (le programme de la province et le PSDMCPNI du gouvernement fédéral).
Il n’y a pas de nouveaux budgets; nous avons mis en commun nos canaux de financement afin de travailler en composant avec les contraintes budgétaires. En travaillant de concert, nous avons accru nos capacités et notre souplesse. Le nombre d’heures que nous pouvons offrir en soins à domicile pour une personne sont par exemple limitées à quatre. Mais si quelques heures de plus permettaient au client de demeurer dans la communauté et dans sa maison, nous pouvons lui offrir quelques heures de plus. Il s’agit là de soins de qualité, qui sont rentables pour le système.
D’autres communautés nous ont demandé comment elles pourraient mettre sur pied ce genre de programmes intégrés. Nous leur disons que les normes en matière de soins seront les mêmes – comment vous faire des évaluations, nettoyer les instruments, organiser vos dossiers –, mais la façon dont vous offrirez les soins pourrait être légèrement différente en raison de la culture qui prévaut chez vous. Vous devez connaître votre communauté.

Soutenir les aînés et les familles métis

Wenda Watteyne, directrice, guérison et bien-être, et Dr Storm J. Russell, analyste principal, politiques et recherche, Nation métisse de l’Ontario.

Peu de Canadiens sont au courant que le tiers de tous les Autochtones du Canada sont métis et que cette population est plus âgée comparativement aux autres groupes autochtones. Nos recherches nous ont permis de constater que plusieurs des aînés métis affichent un taux de maladies chroniques et d’autres problèmes complexes considérablement plus élevé que celui des Ontariens non métis. Le peuple métis est également régi par une structure législative et réglementaire différente de celle des autres groupes autochtones et il n’a pas accès aux programmes d’aide tels que le Programme de Services de santé non assurés auxquels ont accès plusieurs Autochtones. Plusieurs vivent également en régions rurales ou éloignées où l’accès à des services et à du soutien peut être très limité. Pour de nombreux aînés métis dont le revenu est limité, des questions telles que le transport pour se rendre chez le médecin ou chez un spécialiste, ou les moyens financiers pour acheter des médicaments d’ordonnance constituent des barrières à l’accès aux soins. Enfin, l’accès à des soins adaptés à leur culture peut s’avérer un défi pour les membres plus âgés des communautés métisses.

Toutes ces raisons et d’autres encore ont ouvert la voie à la création des centres communautaires de la nation métisse de l’Ontario qui offrent des programmes et des services à la communauté. Installés dans 18 communautés métisses réparties dans la province, les centres communautaires de la nation métisse de l’Ontario sont un important carrefour culturel et un point de service qui permet aux citoyens métis de fraterniser et de profiter de services de santé et de soutien dans leur milieu. Les centres communautaires de la nation métisse de l’Ontario sont particulièrement importants pour offrir aux aînés métis des services adaptés sur le plan culturel, le soutien dont ils ont besoin ainsi que l’aide nécessaire pour accéder aux services médicaux. Certains de nos centres offrent aussi des services de spécialistes, notamment des cliniques de soin de pieds pour les aînés et les autres métis souffrant de diabète. Les travailleurs de ces centres sont également très présents pour les aînés métis ayant besoin de soutien. Ils se rendent chez eux pour les aider, par exemple, à la préparation des repas, aux travaux ménagers et à d’autres tâches de la vie quotidienne, tout en contribuant à la connexion et au soutien culturels qui sont si importants. Grâce au programme communautaire de services de soutien, nous sommes en sommes en mesure d’offrir du transport aux aînés métis afin qu’ils puissent se rendre à leurs rendez-vous médicaux et en revenir.

Pour de nombreux aînés métis et pour les autres membres de la communauté qui souffrent de taux plus élevés de maladies chronique et d’autre problèmes de santé, les centres communautaires de la nation métisse de l’Ontario offrent un lieu où rencontrer d’autres membres de la communauté métisse, recevoir les soins et le soutien dont ils ont tellement besoin et obtenir l’aide nécessaire pour avoir accès à des services et à des programmes essentiels dans la communauté élargie. Les centres sont aussi un  havre où obtenir des soins communautaires adaptés sur le plan culturels.

4 novembre 2013

Combler les lacunes de l’amélioration de la qualité au Canada



John G. Abbott
John G. Abbott, chef de la direction, Conseil canadien de la santé

Que peut gagner le Canada à majorer ses investissements pour faire progresser le projet d’amélioration de la qualité dans le domaine de la santé? Et où devrait-il investir?
À mon avis, il y aurait grand profit, et il devrait cibler le renforcement des capacités de notre système et de ses responsables à accomplir des changements transformateurs.
  
Cette semaine, le Conseil canadien de la santé a tenu un symposium national sur l’amélioration de la qualité, avec pour sujet : Vers un système de santé à haut rendement : le rôle des conseils de la qualité au Canada. 


Dr. Ross Baker
Plus de 200 hauts dirigeants de tout le pays se sont rassemblés pour parler de la mesure du rendement du système de santé et de la production de rapports à cet égard, et du renforcement des capacités du système en vue de l’amélioration de la qualité. Il est évident qu’en matière de mesure du rendement ou de production de rapports sur la performance, il n’y a pas d’approche uniformisée, et que chaque province ou territoire doté d’un conseil de la qualité ou d’une organisation pour la sécurité des patients (il en existe sept en tout) a adopté les méthodes qui lui conviennent. Quelles sont donc les lacunes qu’il faudrait combler dans la démarche actuelle d’amélioration de la qualité au Canada? 

La première lacune est l’absence du désir urgent d’un changement transformateur, qui ferait que l’amélioration de la qualité s’inscrive au cœur de tout ce que nous faisons dans les soins de santé. Les responsables de la santé et les Canadiens eux-mêmes sont-ils convaincus que nous avons besoin d’améliorer la qualité des soins fournis dans chaque hôpital, chaque clinique, chaque cabinet de médecin de ce pays? Les faits disent qu’il le faut, mais cela suffit-il à en établir le bien-fondé? 

La deuxième lacune, voire le défi, est de traiter l’amélioration de la qualité comme un élément accessoire. Notre système de santé ne devrait-il pas inciter tous ses dirigeants à commencer leur journée en se posant cette question : Que faut-il faire aujourd’hui pour que toutes nos activités procurent à nos patients des soins sécuritaires et appropriés; et à la terminer en se demandant : Comment savons-nous que nous avons atteint cet objectif? Si l’amélioration de la qualité constitue un élément isolé, nous n’arriverons à réaliser de changements transformateurs dans aucun milieu.    

La troisième lacune est une question de ressources. Nous devons relever le niveau des investissements dans les ressources afin de concevoir et de gérer avec succès un projet d’amélioration de la qualité. Nous devons apprendre aux intervenants de première ligne et à ceux qui œuvrent dans l’ombre à penser à l’unisson, maniant une langue commune pour parler de l’amélioration du rendement. Nous devons appuyer continuellement le travail des conseils de la qualité de ce pays, qui à leur tour harmonisent leurs activités afin de soutenir les systèmes de santé qu’ils surveillent tout en les associant à des initiatives d’amélioration de la qualité.  

La quatrième lacune consiste à ne pas concevoir l’amplitude de la gestion du changement d’un système complexe.

Une cinquième lacune concerne le domaine de la technologie et du partage de l’information. Il nous faut tirer parti de l’utilisation des technologies actuelles pour recueillir des données et mettre en commun des informations sur le rendement du système et les résultats des patients, systématiquement et à point nommé, renseignements que toutes les composantes du système peuvent utiliser afin d’améliorer la qualité des soins.

Aucune organisation ni aucun système n’a toutes les réponses qui permettraient de s’employer à combler ces lacunes. Somme toute, nous avons besoin de collaboration interne et externe des organismes et des gouvernements pour renforcer les capacités dans tous ces domaines. Le rapport du Conseil de la santé sur les délibérations du colloque couvrira tous ces points plus en détail. Il sera publié le 16 décembre 2013 sur www.conseilcanadiendelasanté.ca.  

L’avenir des soins de santé aux États Unis : ce qu’il signifie pour le Canada



Janna Stam est une écrivaine pigiste et professionnelle des communications établie à Toronto au Canada. Ses écrits d’adressent à des publics variés, y compris les utilisateurs des TI dans le domaine des soins de santé, des organismes sans but lucratif et des campagnes  électorales. Elle possède une Maîtrise ès Arts en littérature anglaise de l’Université Queen’s. Pour de plus amples renseignements, veuillez visiter jstam.ca

L’Obamacare va-t-il influer sur la politique canadienne des soins de santé?

C’est l’une des nombreuses questions posées à Trudy Lieberman, ancienne présidente de l'Association of Health Care Journalists et analyste de la presse pour la Columbia Journalism Review. Trudy Lieberman se rend dans quatre grandes villes canadiennes en tant que boursière Fulbright et à l’invitation de l’Evidence Network of Canadian Health Policy, communément appelé EvidenceNetwork.ca.

L’arrivée en temps opportun de Trudy Lieberman a lieu deux semaines seulement après la mise en œuvre officielle de la Patient Protection and Affordable Care Act (PPACA), également appelée l’Affordable Care Act (ACA) ou « l’Obamacare » par le gouvernement américain. Loi signée par le président Barack Obama en 2010, la PPACA a d’abord fait espérer à certains l’instauration d’une version plus « à la canadienne » et équitable des soins de santé aux États‑Unis.

Mais une analyse plus fouillée révèle que c’est loin d’être le cas. Professeure agrégée de sciences politiques à l’Université McGill, Antonia Maioni le démontre brillamment dans un article paru récemment dans le Globe and Mail et inspiré par les commentaires de Trudy Lieberman : Obamacare vs. Canada: Five key differences.

Trudy Lieberman s’empresse de signaler que l’Obamacare structure l’inégalité au sein du système au lieu de le réformer radicalement. Elle cite deux différences fondamentales entre l’attitude à l’égard des soins de santé au Canada et aux États-Unis.

1.     Équité. L’idéologie canadienne des soins de santé diffère considérablement de la conception américaine. Trudy Lieberman reconnaît que l’économie de marché et l’activisme politique intense des intervenants, surtout les fournisseurs de soins de santé et les compagnies d’assurances, entravent considérablement l’évolution des attitudes envers l’équité de l’assurance‑maladie. « Si nous (les Américains) adoptons un jour un système différent, cela devra être à l’initiative du milieu des affaires. Cela ne viendra pas de ceux qui le réclament ou des universitaires ou des médias, explique‑t‑elle. Notre système repose principalement sur les employés, dont 160 millions sont assurés par leur employeur. Ce sont les employeurs qui devront déclencher la réforme globale du système. »

2.     Accent sur les soins de santé des Autochtones. « Je ne me rappelle pas avoir jamais écrit sur I’Indian Health Service, reconnaît‑elle. Au Canada, j’ai entendu plus parler de la santé des Autochtones que des temps d’attente. »

Trudy Lieberman signale qu’il se peut que l’analyse des résultats de la loi « Obamacare » prenne des années. En attendant, nos deux systèmes présentent des similarités.

1.      Les coûts des soins de santé sont de plus en plus à la charge des particuliers. « Nous pouvons constater dans nos deux pays une tendance à accroître les coûts à la charge des patients, remarque Trudy Lieberman. Les Américains déboursent plus pour les soins de santé. Au Canada, de nombreux services ne sont pas couverts, et, selon l’issue d’une affaire dont est saisi un tribunal en Colombie‑Britannique, il se peut que les Canadiens doivent également puiser davantage dans leurs poches. »

2.      Préoccupations relatives à la qualité. « Dans nos deux pays, divers aspects de la qualité médicale sont problématiques et l’un comme l’autre doivent s’efforcer d’améliorer les soins, en particulier les soins de longue durée pour les personnes âgées », affirme Trudy Lieberman.

3.      Hausse de la demande et du coût en matière de technologie. « Nous n’avons toujours pas trouvé le moyen de freiner le coût de la technologie. Les patients veulent le tout dernier cri et ce qui se fait de mieux, mais rien aux États‑Unis ne joue le rôle du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) du Royaume-Uni, qui examine le coût et l’efficacité des nouveaux traitements avant de les recommander aux médecins du NHS. »


Qu’en pensez-vous : l’Obamacare modifiera‑t‑il le point de vue des Canadiens sur la politique des soins de santé? 

28 octobre 2013

L’avenir des soins de santé en Amérique du Nord : existe-t-il une convergence États-Unis-Canada dans la donne?

DÉJEUNER AVEC LES CHEFS
VENDREDI 18 OCTOBRE 2013

Présentations et mot de bienvenue du modérateur, Anton Hart, président de HealthcareBoard et éditeur de Longwoods Publishing. M. Hart remercie les parrains de l’événement, le Conseil canadien de la santé et Accenture, avant de présenter les chefs du jour :
Trudy Lieberman, ancienne présidente de l’Association of Health Care Journalists des États-Unis, s’occupe actuellement de la section santé de la Columbia Journalism Review. Mme Lieberman visite quatre villes canadiennes en qualité de titulaire d'une bourse d'études Fulbright et d’invitée de l’Evidence Network of Canadian Health Policy, connu sous le nom d’EvidenceNetwork.ca.
André Picard est reporteur et chroniqueur en matière de santé au Globe and Mail, et lance un nouvel ouvrage le 30 octobre, par l’entremise du Conference Board of Canada.
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TRUDY LIEBERMAN commence par répondre à ce qui est, à son avis, la principale question qui intéresse les participants, à savoir « en quoi consiste l’Obamacare? ». Elle donne ensuite un aperçu de l’Obamacare, tout en mentionnant qu’André Picard abordera les domaines de convergence entre les systèmes de santé des deux pays.
Qu’est-ce que l’Affordable Care Act? Tout d’abord, indique Mme Lieberman, cette loi ne procure pas une assurance maladie à tous les Américains. Elle vise le marché individuel, là où se rendent les gens pour recevoir des soins de santé lorsqu’ils n’ont pas d’assurance. Encore là, les assureurs de ce marché ne couvrent souvent pas certaines affections préexistantes, comme l’asthme. Grâce à l’Obamacare, les personnes touchées auront moins de mal à magasiner dans ce marché.
Mme Lieberman écrit depuis 20 ans sur les soins de santé aux États-Unis et sait que les Américains ont du mal à naviguer dans ce système.
Quelque 25 millions de personnes, aux États-Unis, souscrivent une assurance sur le marché individuel; ce sont ces personnes qu’Obamacare veut aider. Certaines personnes ont déjà souscrit une assurance maladie dans le passé, tandis que d’autres le font pour la première fois. Afin de persuader les gens d’adopter ce système, le gouvernement offre des subventions. Pourtant, 40 % du marché individuel ne remplissent pas les conditions requises pour l’octroi d’une subvention, sans compter les sanctions qui sont imposées pour la non-souscription d’une assurance, et ce, même si le coût d’une bonne police pourrait s’élever à plus de 16 000 dollars.
La population s’inquiète et ne sait pas si les subventions suffiront à se procurer une police d’assurance maladie convenable ou si elles perdureront. Les Américains de la classe moyenne sont plus particulièrement touchés.
La loi sur la réforme exigeait un élargissement de Medicaid, le programme fédéral-État destiné aux pauvres, mais 27 États ont décidé de ne pas procéder à cet élargissement et de laisser les personnes dont les revenus sont sous le seuil de pauvreté devant une absence d’option. Ces personnes, privées de la possibilité d’acquisition dans les groupes d’échange, sont trop pauvres pour souscrire une assurance par leurs propres moyens.
À son avis, le talon d’Achille de l’Obamacare est le manque d’élargissement de Medicaid.
La confusion qui entoure l’Obamacare réside également dans le fait que la presse et les médias n’ont pas toujours bien expliqué la question au public américain.

AUTRES POINTS IMPORTANTS
L’Obamacare ne crée pas d’équité. Les groupes d’échange proposent quatre types de régimes. La plupart des Américains devraient opter pour le régime bronze, qui couvre 60 % des coûts. Le régime argent couvre 70 % des coûts, le régime or, 80 %, et le régime platine, 90 %. De nombreux États ne seront toutefois pas en mesure d’offrir le régime platine, trop coûteux pour la plupart des acheteurs potentiels.
Les dépenses assumées par les individus sont élevées. Les franchises seront de l’ordre de 4 000 dollars à 6 000 dollars pour une police familiale, mais pourraient atteindre des sommes aussi élevées que 10 000 dollars à 20 000 dollars. La coassurance correspond au pourcentage de l’assurance qu’un patient doit assumer, comme pour l’imagerie diagnostique, non couverte par les régimes.
Plusieurs réductions de coûts ont été réalisées, notamment pour transférer les services offerts en milieu hospitalier à des établissements de consultations externes. Les assureurs demandent aux personnes de payer une grande part du coût partagé pour les services les plus utilisés. Ce point n’est pas encore bien compris par la population américaine.
L’Obamacare ne comporte pas de clause de limitation des coûts.
Mme Lieberman ne sait pas si l’Obamacare fonctionnera et pense qu’il faudra au moins deux ou troiscycles d’assurance pour savoir ce que les assurances feront des primes et si les gens souscriront et auront vraiment une assurance.
Malgré l’objectif d’offrir des soins de santé abordables, elle prévoit que les Américains ne les obtiendront pas.
L’administration et les médias auraient pu faire mieux pour promouvoir la nouvelle loi, selon Mme Lieberman. Leurs manques ont provoqué une sorte de mouvement de rejet de l’Obamacare. Toutefois, on n’a pas parlé de façon soutenue de ce que cette loi pouvait faire et fera. L’obligation de souscrire l’assurance maladie n’a jamais été clairement énoncée, ce qui était sans doute un acte délibéré de la part de l’administration en vue d’éviter les réactions défavorables. Ironiquement, les Républicains ont été les premiers à présenter ce type de régime, dans les années 1990, pour contrer les plans de l’administration Clinton.
Mme Lieberman estime que la presse aurait pu mieux exposer la situation au public pour que les choses soient plus claires, parce que la plupart des Américains sont plutôt embrouillés.
ANDRÉ PICARD remercie Trudy et indique que son exposé lui en apprend toujours plus.
Son propos est axé sur les problèmes communs auxquels sont confrontés le Canada et les États-Unis.
Il précise que, de bien des manières, nous faisons les choses de la même manière des deux côtés de la frontière, exception faite des débats, ce qui nous devrait nous tenir à l’écart de l’outrecuidance. Le Canada n’a pas de « loi sur les soins abordables ». Selon M. Picard, il existe de grandes disparités entre les provinces, mais nous évitons d’en parler.
Nous sommes en outre confrontés à un grand nombre de problèmes financiers similaires à ceux de nos voisins, mais là encore, pas un mot sur le sujet. Les soins de santé, au Canada, couvrent seulement 70 % des coûts. Les Canadiens assument environ 30 % des frais médicaux, parce que plus d’éléments, comme les médicaments, ne sont pas couverts.

PROBLÈMES COMMUNS
1)    TRANSFERT DES SOINS À LA COLLECTIVITÉ. Les modèles hospitaliers doivent se transformer en modèles communautaires. Aucun régime ou organisme ne satisfait aux demandes et aux besoins de soins à domicile et de soins infirmiers à domicile.
2)    SOINS PRIMAIRES. Il faut de meilleurs services de soins primaires. Un point de coordination central pour les soins de santé doit être fixé – du genre qui procure un soutien tout au long du parcours du patient. Nous savons que les événements fâcheux se produisent au cours de la transition en raison du manque de coordination, insiste M. Picard. Alors, qui se chargera de nous coordonner et de nous guider sur le chemin complexe des soins?
3)    Nécessité de passer d’un MODÈLE DE SOINS AIGUS à un MODÈLE DE SOINS CHRONIQUES.
4)    MÉDICAMENTS : Les coûts élevés créent un énorme vide dans le système canadien. Les régimes publics couvrent à peine 45 % des médicaments. Les régimes privés resserrent également les cordons de leurs bourses. Ainsi, près de 600 000 Canadiens ne bénéficient d’aucune couverture des médicaments onéreux, ce qui constitue un trou béant dans le régime d’assurance-maladie.
5)    DÉTERMINANTS SOCIAUX : L’inégalité a des effets massifs sur le bien-être des gens.
6)    QUALITÉ : Ce point est gigantesque. Des erreurs médicales ou des manifestations indésirables qui découlent d’un manque de qualité font partie des principales causes de décès évitables. La population veut des soins de santé abordables, mais pas au mépris de la qualité.
7)    RATIONNEMENT : Les États-Unis rationnent les soins sur le plan économique. Vous n’obtiendrez pas de soins que vous n’êtes pas en mesure de payer. Au Canada, les services sont congestionnés, ce qui crée des listes d’attente pour certains types de soins. Le rationnement est une réalité, il suffit de trouver la meilleure façon de l’appliquer.
8)    LES PATIENTS QUI UTILISENT LES SOINS DE SANTÉ À OUTRANCE : Au Canada, 1 % des patients utilisent 25 % des soins, alors qu’une autre proportion de 5 % en consomme 50 %. Il est possible de contrôler les coûts par une meilleure gestion des patients qui présentent des cas difficiles. Nous devons nous montrer plus novateurs et plus ingénieux, souligne M. Picard. Un homme, par exemple, présentait toutes sortes de problèmes de santé pour lesquels il a visité les services des urgences à 238 reprises en un an, pour un coût estimatif de 1,5 million de dollars au système. On a décidé de lui affecter une infirmière à temps plein, pour un coût de 60 000 dollars par année. Cette infirmière a même trouvé un appartement pour l’homme en question. Elle est une sorte de phare. L’année suivante, cet homme n’a rendu que 60 visites aux services des urgences. Cette solution pragmatique a permis d’économiser près de un million de dollars.
9)    PUBLIC PAR OPPOSITION À PRIVÉ : Le Canada possède les deux systèmes, que nous le sachions ou nonLes États-Unis les possèdent aussi. Nous devons parler de la bonne proportion de soins de santé publics et privés. À l’heure actuelle, elle est d’environ 70-30.

Les deux pays doivent avoir de vraies conversations sur les soins de santé. Mais quelle est la bonne tribune pour tenir ce genre de discussion où règne trop d’extrémisme? Alors, comment avoir cette discussion on ne peut plus nécessaire? demande M. Picard.
TRUDY LIEBERMAN : Les soins de longue durée constituent un problème de taille aux États-Unis. Il est intéressant de voir ce que le pays a fait concernant cette question. L’Affordable Care Act comprenait une Class Act, défendue par feu le sénateur Ted Kennedy. Elle n’était pas très populaire, au début. L’idée sous-jacente consistait à investir un peu dans le système fédéral, puis à puiser dans ce même système plus tard dans la vie. Mais la disposition a été abrogée parce qu’elle n’aurait pas fonctionné : personne n’aurait cotisé à un programme volontaire.
Depuis l’abrogation de la Class Act, on n’a pratiquement plus parlé des soins à domicile aux États-Unis.
Nous avons toutefois une chose qui a relativement bien fonctionné, l’Older Americans Act, et qui remonte à l’administration Johnson. Cette loi fournit des services pour que les personnes âgées restent à la maison. Elle n’a malheureusement pas reçu suffisamment de fonds pour au cours des dernières décennies, ce qui a entraîné la création de longues listes d’attente pour des services de soins à domicile dans presque tous les États. Certaines personnes attendent des mois juste pour bénéficier des services de repas chauds de la popote roulante. LE PERSONNEL FAIT DE SON MIEUX MAIS, BIEN SOUVENT, LE MEILLEUR NE SUFFIT PAS, a dit quelqu’un.

QUESTIONS/COMMENTAIRES de l’auditoire
1)    DR CHARLES WRIGHT, membre du conseil, Conseil canadien de la santé : Ces propos m’ont beaucoup éclairé. Vous avez utilisé le mot « rationnement », qui fait grincer des dents. Si on pouvait récupérer une partie des soins inutiles, il faudrait instaurer un genre de rationnement, mais au moins, le système serait plus viable.

ANDRÉ PICARD : Entre 25 et 30 % des soins de santé sont fournis en excès. Nous devons rationner les soins là où cette mesure fonctionne et est efficace. Des soins rationnés, fondés sur des données probantes.

TRUDY LIEBERMAN : Nous tenons ces propos depuis bien des années, mais aucun geste n’est posé en ce sens. Certains puissants intéressés aiment faire des analyses additionnelles, et il est difficile de négocier avec ces forces.

2)    SHOLOM GLOUBERMAN, président, Patients Canada : Nous ne disposons pas de services de santé dans la collectivité. Nous n’établissons pas de partenariat avec les patients en soins chroniques. Nous avons une profusion de soins hospitaliers et très peu de services communautaires – au Canada, nous investissons une fraction de ce que dépense la Grande-Bretagne en services communautaires. Les assurances ne les couvrent pas, mais le font pour les hospitalisations, par exemple. Notre population vieillit, et les maladies chroniques font petit à petit partie du quotidien. Nous ne traitons pas cette question adéquatement. Les patients ne sont pas des partenaires dans le cadre de leurs soins. Nous devons commencer à mettre sur pied des services communautaires, parce qu’ils ne sont pas couverts par les assurances.

ANDRÉ PICARD : Il y a indéniablement là des problèmes d’administration. La création de l’assurance maladie remonte aux années 1950 et correspondait à la démographie de l’époque. Cette variable a changé, tout comme les besoins. Mais le système ne s’est pas ajusté pour tenir compte des changements démographiques.

3)    QUESTION : Qui doit déterminer la frontière entre la nécessité et la futilité des soins? Qu’est-ce qui découlera de la prochaine décision de la Cour suprême du Canada?

ANDRÉ PICARD : Le fait que les tribunaux tranchent la question est déplorable, comme l’est le manque de courage politique, dans ce pays, pour traiter de cette affaire. À mon avis, la question au sens plus large est « qu’est-ce qui relève de l’assurance maladie et qu’est-ce qui n’en relève pas? ». Problème épineux. Comment rationner des services publics? Au Canada, nous le faisons en esquivant la discussion. Nous sommes passés à un système populiste, comme aux États-Unis.

4)    JOHN G. ABBOTT, chef de la direction, Conseil canadien de la santé : Comment l’Obamacare se raccorde-t-il au déficit américain, et quelles sont les comparaisons avec le Canada?

TRUDY LIEBERMAN : L’Obamacare ne casse pas la tirelire, en lui-même. En définitive, les opposants à l’Obamacare veulent traiter de l’admissibilité à l’assurance maladie et de sa privatisation – comme pour l’assurance-médicaments. La population est d’accord avec le fait que les citoyens mieux nantis paient davantage pour les soins de santé, mais quelle est la définition de « bien nanti »? Ce point préoccupe ceux qui soutiennent l’assurance maladie, et il s’agit d’un énorme problème. L’autre point renferme le droit aux prestations et la sécurité sociale. Beaucoup veulent la privatiser. Mais le coût d’une formule évolutive risque de changer afin de réduire le montant des dépenses pour le gouvernement, ce qui nuira aux foyers à faible revenu, surtout les femmes. Les subventions à long terme prévues par l’Obamacare entreront ensuite en jeu. Elles sont financées pour une période de 10 ans, mais nous ne savons pas si elles seront assurées à long terme. En somme, elles connaîtraient le même sort que l’assurance maladie, quel qu’il soit.

5)    COMMENTAIRE SUR LES COÛTS HOSPITALIERS

TRUDY LIEBERMAN : Rien, dans l’Affordable Care Act, n’exige que les prix ou les services soient négociés. Les hôpitaux affichent des prix « de détail », habituellement assez élevés. Mais ils sont très différents d’un hôpital à l’autre, même au sein d’une même collectivité. Cependant, ces prix sont en grande partie fictifs. [quelqu’un de l’auditoire : « Ils sont destinés aux Canadiens qui viennent se faire soigner » – rires]. En pratique, les hôpitaux négocient avec les assureurs et s’entendent sur beaucoup moins que les coûts affichés. De nombreux réseaux hospitaliers prennent de l’expansion et deviennent des conglomérats qui entrent en concurrence les uns avec les autres. Ils mettent en valeur le fait qu’ils disposent du meilleur équipement ou des meilleurs soins cardiaques, mais ne parlent pas du prix. On craint réellement que ces conglomérats détiennent un jour suffisamment de pouvoir pour fixer les prix sans grande concurrence ou réaction de la part du gouvernement.

ANDRÉ PICARD : Les Canadiens ignorent les coûts réels des soins de santé. Ils sont excessifs. Nous avons un système comparable à celui des États-Unis.

TRUDY LIEBERMAN : L’article de Brill sur les soins de santé, paru dans Time Magazine, était vraiment bien écrit.
Il faut plus de transparence.

Fin du déjeuner avec les chefs.